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Quelques propos juridiques sur le homard

Dernière mise à jour : 15 déc. 2020

Rubrique : La table et le droit

Droit alimentaire, culinaire et de la gastronomie

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Quelques propos juridiques sur le homard


Le homard est symbole de luxe. Chaque gourmand a son penchant qui l'entraîne, et le meilleur moyen de faire cesser la tentation, c'est d'y succomber. Non sans risque. Après les multiples révélations publiées, le ministre de la Transition écologique a démissionné en juillet 2019, dénonçant un « lynchage médiatique » : à la table fastueuse de l’Hôtel de Lassay, homard et grands crus… Même le petit peuple veut goûter à la star du show bisque. On a jugé, qu’il y avait faute d'un salarié à demander, sur notes de frais, le remboursement de salades de homard ; mangées, il est vrai, avec le dirigeant d'une société concurrente.


Au goût d'Alexandre Dumas, le homard diffère de la langouste en ce qu'il est de saveur plus fine (Le grand dictionnaire de la cuisine, réédition Ed. Henri Veyrier, 1978, p. 303). Pour le simple consommateur, le homard est une langouste avec des pinces, que les pêcheurs appellent des « mordants ». En général, la pince de droite - qui sert à casser - est plus grosse. Toutefois, on trouve des individus chez qui la pince la plus forte se place à gauche. Il s'agit alors de homards gauchers. Il faut donc regarder de près. Les gros crustacés vivants, recouverts de leur carapace, sont des denrées naturellement protégées. Leur carapace sert « d’emballage ». Aussi, l'Administration (la DGCCRF - Service de la répression des fraude) admet-elle leur vente en vrac en libre choix. Chacun peut ainsi, avec ses mains pleines de doigts, tâter, soupeser, tripoter... Parfois, au risque de sa vie. Une anecdote nous fait glisser des mets aux événements. Alors qu'une cliente choisit des homards, une discussion s'engage avec le poissonnier. La femme, vexée des remarques du commerçant, porte à ce dernier un coup (de homard !) derrière la tête. Riposte du débitant ; l'acheteuse bascule et chute. Résultat : hématome, fracture du plateau de 11 et douleurs lombaires. Cette réaction brutale, instantanée et intentionnelle, bien qu'emprunte de circonstances atténuantes, rapporte un mois de prison avec sursis au marchand de crustacés. Le « coup » du homard prend un autre sens

(« coût ») lorsque les tribunaux déclarent que « l'européen » vaut plus cher que le « canadien ».


La production française ne peut satisfaire la demande. Les importations de homards européens en provenance du Royaume-Uni et d'Irlande complètent les apports français. Le marché se ressent aussi du développement des échanges avec les USA et le Canada. Une grande part de nos importations vient d'Amérique du Nord. Le « canadien » souffre d'un problème d'identification (un cas d’usurpation de nationalité). Des homards des Etats-Unis s'écoulent sous le nom de « canadien ». De prix relativement faible, le « canadien » (Homarus americanus) sert en fin d'année de produit d'appel aux grandes et moyennes surfaces. Les gastronomes le jugent de qualité inférieure au homard européen (Homarus gammarus). Certaines horloges indiquent une heure et en sonnent une autre. Les responsables d'une société de distribution commettent le délit de pratiques commerciales trompeuses (ex-publicité mensongère) lorsqu'ils présentent à l'étal sous l'aspect de homards européens des nords-américains. Pour les juges français, « il est faux de prétendre qu'après cuisson, les deux espèces sont de goût semblable ». Et d'ajouter dans leur sentence : « S'il en était ainsi on ne comprendrait pas pourquoi le homard canadien vaut trois fois moins cher que le homard européen dont la chair est plus fine ». Du classique judiciaire bien envoyé.


Jean-Paul Branlard – Droit réservé


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